21. octobre 2020Newsletter

Newsletter 6/2020: Loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA) : quoi de neuf ?

1. LES MODIFICATIONS LEGISLATIVES EN UN COUP D'ŒIL

Ce bulletin d'information donne un aperçu des principaux changements pratiques apportés à la Loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA) révisée le 19 juin 2020, qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2021. La révision partielle apporte, entre autres, des modifications législatives dans les domaines de la conclusion et de la résiliation des contrats, des délais de prescription, de la protection des prestations, de l'action directe du bénéficiaire contre l'assureur et de la subrogation dans l'assurance responsabilité civile.


2. CONCLUSION DU CONTRAT D'ASSURANCE ET OBLIGATIONS D'INFORMATION

L'art. 2a, al. 1 à 5 LCA étend le droit de révocation du preneur d'assurance. Dans le cas des assurances vie liées à des participations, la valeur équivalente au moment de la révocation doit être remboursée. Le droit de révocation étendu ne s'applique pas aux assurances collectives, aux promesses de couverture provisoires ni aux conventions d'une durée inférieure à un mois.

En outre, si la couverture provisoire n'est pas limitée dans le temps, elle peut être résiliée moyennant un préavis de quatorze jours. En pratique, une telle procédure est déjà largement utilisée aujourd'hui. Le nouvel art. 9 LCA sera rendu semi-impératif en vertu de l'art. 98 LCA.

Des exigences accrues en matière d'information s'appliquent à la compagnie d'assurance. Par exemple, l'art. 3 al. 1 LCA prévoit une obligation d'information étendue concernant le délai de révocation et la nature d'une assurance (assurance de sommes ou assurance de dommages).


3. NOUVELLES DISPOSITIONS EN MATIERE DE RESILIATION

3.1 Délai de résiliation absolu de 2 ans en cas de violation de l'obligation d'informer

Le droit du preneur d'assurance de résilier la police demeure inchangé en cas de violation du devoir d'information par la compagnie d'assurance et se prescrit par un délai relatif de 4 semaines à compter de la connaissance de la violation du devoir. L'art. 3a al. 2 LCA prévoit désormais un délai absolu de 2 ans au lieu d'un an, à compter de la violation des obligations énoncées à l'art. 3 LCA.

3.2 Nouveau délai (de droit dispositif) de résiliation ordinaire

Même si une durée de contrat plus longue a été convenue, les assurés et les compagnies d'assurance ont généralement le droit de résilier le contrat à la fin de la troisième année ou de chaque année suivante, moyennant un délai de trois mois, sauf en matière d'assurance vie. Toutefois, les parties peuvent convenir que le contrat peut être résilié avant la fin de la troisième année. Dans ce cas, selon le nouvel art. 35a LCA, les délais de résiliation convenus doivent être de durée identique pour les deux parties.

3.3 Résiliation extraordinaire pour justes motifs en tout temps

Le nouvel art. 35b LCA codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral. En conséquence, un contrat d'assurance peut être résilié en tout temps si des exigences réglementaires imprévisibles empêchent de l'exécuter ou en cas de circonstances dans laquelle les règles de la bonne foi ne permettent plus d'exiger la continuation du contrat de la personne qui le résilie.

3.4 Extension du droit de résiliation dans l'assurance collective d'indemnités journalières par la compagnie d'assurance

En vertu du nouvel art. 35a al. 4 LCA, les deux parties ont le droit ordinaire de résilier l'assurance collective d'indemnités journalières et le droit de résilier l'assurance en cas de sinistre (art. 42 al. 1 LCA). La raison invoquée est que l'assurance collective d'indemnités journalières sert principalement à couvrir un risque entrepreneurial. Il n'y a aucune raison d'interdire à l'assureur de résilier l'assurance collective d'indemnités journalières de maladie.

3.5 Diminution du risque et droit de résiliation

Le nouvel art. 28a LCA, très controversé au sein des Conseils, donne à l'assuré un droit de résiliation avec un préavis de quatre semaines en cas de réduction importante du risque.

3.6 Droit de résiliation en cas d'assurances multiples

L'ancien art. 53 LCA sur la "double assurance" est désormais placé à l'art. 46b LCA, sous la note marginale "assurance multiple". Il contient un changement important à l'alinéa 2 : le preneur d'assurance qui n'avait pas connaissance de l'existence d'une assurance multiple lors de la conclusion du contrat ultérieur (également avec une autre compagnie d'assurance) a le droit de résilier ce dernier dans les quatre semaines suivant la découverte d'une assurance multiple.


4. VIOLATION DES OBLIGATIONS ET LEURS CONSEQUENCES

En vertu du droit actuel, la question de la violation des obligations et de leurs conséquences est régie par l'art. 29 al. 2 LCA et l'art. 45 al. 1 LCA. Alors que l'art. 29 al. 2 LCA demeure inchangé, l'art. 45 al. 1 LCA est refondu. En cas de violation d'une obligation convenue par contrat, il n'y a donc pas de préjudice de droit lorsque la violation est intervenue sans faute ou que le preneur d'assurance apporte la preuve que la violation n'a pas eu d'incidence sur la survenance du sinistre et sur l'étendue de la prestation d'assurance. Jusqu'à présent, les questions relatives à la nature juridique, aux conditions préalables (exigence de causalité et/ou faute), de fardeau de la preuve, ainsi que des conséquences juridiques (principe du "tout ou rien" ou réduction/abattement suite à une faute), faisaient l'objet de controverses en théorie comme en pratique. Malheureusement, la révision partielle imminente ne supprimera pas toutes les incertitudes. Il demeure recevable de statuer au sujet d'un principe "Tout ou rien". Une réduction appropriée des préjudices de droit en fonction de la faute n'est dans la version révisée de la LCA. De plus, les dispositions susciteront d'autres incertitudes.

Un autre changement important concerne les dispositions relatives à la violation de l'obligation de déclaration. Ainsi, "l'obligation d'informer", c'est-à-dire l'obligation du preneur d'assurance de signaler toute modification d'un fait important et sur lequel il avait été questionné avant la conclusion effective du contrat, n'est plus applicable en vertu de l'art. 6 al. 1 LCA dans sa nouvelle teneur.

En outre, l'art. 6 al. 3 LCA prévoit désormais une exonération (partielle) des prestations en fonction du lien de causalité en cas de violation avérée de l'obligation d'information : "Si le contrat prend fin par résiliation en vertu de l'al. 1, l'obligation de l'entreprise d'assurance d'accorder sa prestation s'éteint également pour les sinistres déjà survenus dans la mesure où le fait qui a été l'objet de la réticence a influé sur la survenance ou l'étendue du sinistre. Dans la mesure où il a déjà accordé une prestation pour un tel sinistre, l'entreprise d'assurance a droit à son remboursement.".


5. DELAI DE PRESCRIPTION DE 5 ANS POUR LES CREANCES RESULTANT DES CONTRATS D'ASSURANCES

Conformément à l'art. 46 al. 1 LCA, les droits découlant du contrat d'assurance sont désormais soumis à un délai de prescription de 5 ans à compter de la survenance du fait duquel naît l'obligation. Une exception est faite pour les prestations de l'assurance collective d'indemnités journalières en cas de maladie, qui se prescrivent par 2 ans, comme par le passé.


6. "COUVERTURE DES PRESTATIONS" POUR LES DEMANDES D'ASSURANCE EN SUSPENS

Le nouvel art. 35c LCA interdira à l'avenir les clauses qui, en cas de résiliation du contrat après la survenance de l'événement redouté, permettent à une compagnie d'assurance de limiter ou de supprimer unilatéralement les obligations de prestations périodiques existantes en cas de maladie ou d'accident.


7. POSSIBILITE D'ASSURANCE RETROACTIVE

Jusqu'à présent, les polices d'assurance rétroactives, à l'exception de l'assurance incendie et de l'assurance transport, étaient en principe nulles et non avenues. Avec la nouvelle disposition de l'art. 10 LCA, "Les effets du contrat peuvent débuter à une date antérieure à celle de sa conclusion si un intérêt assurable existe.". Une assurance rétroactive est nulle si seul le preneur d'assurance ou l'assuré savait ou aurait dû savoir qu'un événement redouté s'était déjà produit. En d'autres termes, la disposition prévue permet de conclure des contrats "impossibles" lorsque les deux parties ne savaient pas que l'événement redouté s'est déjà produit. L'on peut se demander si de tels cas ne devraient pas être résolus par l'art. 20 CO, et la discussion à ce sujet sera approfondie à l'avenir.


8. LES INNOVATIONS EN MATIERE D'ASSURANCE RESPONSABILITE CIVILE

8.1 Droit propre du bénéficiaire

La nouvelle disposition prévoit que le tiers lésé ou son successeur légal dispose d'une action directe contre la compagnie d'assurance dans le cadre d'une couverture d'assurance existante et sous réserve des objections et des exceptions que la compagnie d'assurance peut lui opposer sur la base de la loi ou du contrat (art. 60 al. 1bis LCA). Les conditions que le Conseil des Etats voulait initialement poser à une telle action directe ont été abandonnées par lui lors de la procédure d'élimination des divergences.

Une telle action directe du bénéficiaire n'est pas nouvelle, mais n'existait auparavant que dans le cadre de normes juridiques spéciales (comme la LCR concernant l'assurance responsabilité civile automobile).

8.2 Subrogation des assureurs de dommages

Les Conseils ont convenu que l'art. 72 LCA, en vigueur jusqu'ici, devait être considéré comme obsolète et que la subrogation de l'assureur dommages, qui avait déjà été introduite par le Tribunal fédéral, devait être codifiée dans le nouvel article 95c. Jusqu'à présent, ou jusqu'à l'arrêt historique du Tribunal fédéral ATF 144 III 209, les compagnies d'assurance qui s'engageaient contractuellement à couvrir un sinistre étaient soumises à la cascade de recours prévue à l'art. 51 al. 2 CO. L'assureur de dommages propres se trouvait donc au niveau intermédiaire de recours en tant que "partie contractante responsable", ce qui signifiait qu'il était privé d'un droit de recours contre la partie causalement responsable. Avec l'introduction de l'art. 95c al. 2 LCA, la subrogation (analogue à l'art. 72 LPGA) est codifiée s'agissant de l'assureur de dommages propres. L'exemple suivant l'illustre: un défaut dans un bâtiment entraîne un dégât d'eau dans le sous-sol de la maison voisine de la famille B. L'assurance ménage de la famille B paie d'avance les dommages causés au contenu du ménage, mais peut désormais se retourner contre le propriétaire de l'œuvre en application de l'art. 95c al. 2 LCA, et faire valoir la responsabilité causale du propriétaire de l'ouvrage pour ses défauts, selon l'art. 58 CO.

En outre, la portée de la disposition sur le droit de recours est limitée en cas de "relation étroite", comme l'avait déjà fait la jurisprudence. Cette limitation concerne la communauté domestique entre la personne responsable et l'assuré (lit. a) et les rapports de travail entre de telles personnes (lit. b).

Les 1 et 2 de l'art. 95c sont conçus comme dispositions absolument impératives, et 3 est relativement impératif.

8.3 Interdiction des clauses d'exclusion de recours et de couverture d'assurance plus étendue dans les assurances de responsabilité civile

Les Conseils ont convenu que l'exclusion des clauses de recours (dites "clauses Suva"), qui étaient courantes dans la pratique des assurances jusqu'à présent, ne devaient plus être possibles à l'avenir. Outre les droits à des dommages-intérêts des personnes lésées, l'assurance responsabilité civile couvrira désormais explicitement les prétentions récursoires de tiers (tels que les assurances sociales), conformément à l'art. 59 al. 2 LCA. En outre, l'art. 59 al. 1 LCA mentionne désormais explicitement que l'assurance responsabilité civile couvre non seulement la responsabilité des représentants du preneur d'assurance et des personnes chargées de la direction ou de la surveillance de l'exploitation, mais aussi celle de tous les autres travailleurs de l'exploitation. En outre, conformément à l'art. 59 al. 3, la norme susmentionnée ne peut être modifiée au détriment de la personne lésée.


Christoph Frey/Anna Menzi

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral 

 

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