
11. juin 2021Newsletter
Newsletter 3/2021: Mise en œuvre de l'initiative pour des prix équitables par voie législative : extension de l’interdiction des pratiques illicites aux entreprises ayant un pouvoir de marché relatif et introduction de l'interdiction du géoblocage
IntroductionLe 12 décembre 2017, l'initiative populaire « Stop à l'îlot de cherté - pour des prix équitables » (également appelée « initiative pour des prix équitables ») a été déposée. L'initiative populaire visait à permettre aux acheteurs suisses d'acheter des biens à l'étranger aux prix (généralement plus bas) qui y sont pratiqués. Le Conseil fédéral a ensuite élaboré un contre-projet indirect à l'initiative populaire, qui a toutefois été modifié par le Parlement, de sorte que l'initiative sur les prix équitables est mise en œuvre pratiquement à l'identique par la législation. Le Parlement a adopté le contre-projet modifié lors du vote final du 19 mars 2021, introduisant ainsi la notion de pouvoir de marché relatif dans la Loi sur les cartels (LCart). L'interdiction des pratiques illicites pour les entreprises dominantes sur le marché, prévue à l'article 7 LCart, est désormais étendue aux entreprises ayant un pouvoir de marché relatif, ces dernières étant exemptées des sanctions directes prévues à l'article 49a LCart. De plus, la limitation de la possibilité des acheteurs de se procurer à l'étranger, aux prix du marché et aux conditions usuelles de la branche, des biens ou des services proposés en Suisse et à l'étranger est désormais considérée comme une pratique illicite au sens de l'article 7 LCart. Enfin, une modification de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) interdit le géoblocage privé dans le commerce en ligne. Sous réserve d'un référendum peu probable, les nouvelles règles devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2022. Pouvoir de marché relatifSelon le libellé du nouvel article 4 alinéa 2bis LCart, est réputée avoir un pouvoir de marché relatif, « une entreprise dont d'autres entreprises sont dépendantes en matière d'offre ou de demande d'un bien ou d'un service, faute de possibilité suffisante et raisonnable de se tourner vers d'autres entreprises ». Ainsi, pour l'existence d'un pouvoir de marché relatif - contrairement à la position dominante au sens de l'article 4 alinéa 2 LCart - les données relatives à la structure du marché telles que les parts de marché ne sont pas pertinentes. Seule l'absence d'alternatives suffisantes et raisonnables ou la « relation de dépendance individuelle-verticale » entre une entreprise et son (potentiel) partenaire commercial (acheteur ou fournisseur) sont pertinentes (voir en détail : STÄUBLE/SCHRANER, DIKE-KG, art. 4 al. 2 N 119 et 153). Par conséquent, les entreprises dont la part de marché est plutôt faible peuvent désormais également être considérées comme ayant un pouvoir de marché relatif et donc être soumises aux obligations comportementales des entreprises dominantes selon l'article 7 LCart. Étant donné qu'un pouvoir de marché relatif ne peut exister qu'en relation avec un partenaire commercial spécifique et un produit ou service spécifique d'une entreprise, l'évaluation doit être faite au cas par cas, ce qui rendra plus complexe la compliance antitrust. Dans un premier temps, il convient d'examiner si l'acheteur ou le fournisseur dispose d'options alternatives d'offres ou de demandes objectivement équivalentes. Toute source alternative doit être raisonnable pour l'acheteur ou le fournisseur d'un point de vue économique, c'est-à-dire que le passage à l'autre entreprise ne doit pas nuire de manière significative à sa compétitivité. Par ailleurs, une dépendance « auto-infligée » ne devrait pas mériter de protection. Dans un deuxième temps, il convient donc d'examiner si le partenaire commercial a provoqué lui-même sa dépendance à l'égard de l'entreprise, par exemple en prenant une mauvaise décision stratégique. Si les deux questions reçoivent une réponse négative, il s'ensuit que l'entreprise est considérée comme ayant un pouvoir de marché relatif. Par conséquent, l'entreprise doit respecter l'interdiction des pratiques illicites selon l'article 7 LCart et ne peut, sans motifs fondés, imposer des restrictions de l'offre ou de la demande à un partenaire commercial dépendant ou le traiter de manière inégale en termes de prix ou d'autres conditions commerciales par rapport aux autres partenaires commerciaux. Les négociations individuelles de prix deviennent inadmissibles et les rabais ne sont autorisés que si des économies de coûts correspondantes peuvent être prouvées, ce qui restreint sensiblement la liberté contractuelle de l'entreprise. Contrairement au comportement abusif d'une entreprise dominante, aucune sanction directe au titre de l'article 49a LCart ne peut être imposée en cas d'abus d'une entreprise ayant un pouvoir de marché relatif. L'entreprise dépendante doit faire valoir ses éventuelles prétentions (suppression ou cessation de la restriction de la concurrence, demandes de dommages-intérêts et de restitution des bénéfices) par le biais d'une procédure civile. Les contrats qui violent les nouvelles dispositions sont nuls en tout ou en partie. En conséquence, l'exécution des contrats à l'encontre des entreprises structurellement dépendantes est devenue plus incertaine. En formant des groupes de cas, la COMCO sera probablement guidée par la jurisprudence allemande sur le concept de pouvoir de marché relatif. En Allemagne, les groupes de cas suivants ont notamment émergé jusqu'à présent :
Droit d'acheter à l'étranger aux prix et conditions locauxAvec le nouvel article 7 alinéa 2 lettre g LCart, le catalogue des exemples de comportements abusifs est élargi à l'infraction consistant à limiter la possibilité des acheteurs de se procurer à l'étranger, aux prix du marché et aux conditions usuelles de la branche, des biens ou des services proposés en Suisse et à l'étranger. Cette disposition s'applique en particulier aux groupes internationaux qui ont créé leurs propres structures de distribution en Suisse sous la forme de filiales. Elle vise à lutter contre les refus de livraison et les discriminations par les prix pratiqués par des fournisseurs à l'étranger ayant une position dominante ou un pouvoir de marché relatif qui ne peuvent être justifiés par des raisons commerciales légitimes. Toutefois, si les biens ou les services sont offerts exclusivement en Suisse, et non à l'étranger, le nouvel article 7 alinéa 2 lettre g LCart ne s'applique pas. Interdiction du géoblocageDans la loi sur la concurrence déloyale (LCD), l'article 3a alinéa 1 lettre a a introduit une disposition relative à la discrimination dans le commerce en ligne. Selon cette disposition, agit de façon déloyale envers un client en Suisse celui qui applique des tarifs ou conditions de paiement discriminatoires, sans motifs objectifs, pour des raisons liées à la nationalité de ce client, à son domicile, à son lieu d'établissement, au siège de son prestataire de service de paiement ou au lieu d'émission de son instrument de paiement. Il y a également un agissement déloyal si l'accès du client à une interface en ligne est bloqué ou limité, ou si le client est redirigé, sans son consentement, vers une version différente de l'interface en ligne à laquelle il a voulu initialement accéder. L'objectif est de permettre aux personnes physiques et morales de faire des achats en ligne aux conditions de prix pratiquées dans le pays concerné. ConséquencesL'introduction du pouvoir de marché relatif signifie que pour de nombreuses entreprises suisses, en particulier aussi les PME (spécialisées), il faudra désormais examiner individuellement pour chaque relation d'affaires existante et potentielle s'il existe une relation de dépendance constituant un pouvoir de marché relatif et entraînant ainsi l'applicabilité de l'interdiction des pratiques illicites au sens de l'article 7 LCart. Si tel est le cas, la relation d'affaires en question ou la structure des conditions doivent être revues pour déterminer s'il y a lieu de procéder à des ajustements. Pour l'auto-évaluation de leur position sur le marché, les entreprises - jusqu'à la publication des premières décisions de principe de la COMCO - peuvent au moins s'appuyer sur la pratique déjà établie des tribunaux allemands, qui ont constitué différents groupes de cas et des critères d'évaluation correspondants pour le pouvoir de marché relatif. Alternativement, les entreprises peuvent bien sûr aussi se conformer « volontairement » au régime de l'article 7 LCart et, en particulier, s'abstenir de traiter leurs partenaires commerciaux différemment en termes de prix et de conditions - une mesure qui n'a guère de sens du point de vue des affaires.
Si vous avez des questions, n'hésitez pas à nous contacter. |